L'impact de la RSE dans la cotation de la Banque de France

Dessin de la Banque de France et la RSE

Cet article a été relu et validé par un cadre de la Banque de France

La banque de France anticipe les risques économiques du pays en permettant une cotation financière aux grandes entreprises, ETI, PME et TPE. Cette cotation, qui aidera à convaincre investisseurs et banques de financer la croissance, doit permettre d’anticiper les risques économiques encourus. Mais à l’heure du réchauffement climatique et des pénuries de main-d'œuvre, comment intégrer les risques sociaux et environnementaux et la RSE dans leurs outils de mesure ?

La cotation Banque de France concerne plus de 300 000 entreprises, soit celles qui ont un CA supérieur à 750 000 euros. Elle repose sur l’analyse de leurs comptes, de leurs engagements financiers, de leurs perspectives… ainsi que, depuis quelques années, sur leur engagement RSE. Même si à ce jour l’approche reste timide.

Pour information, la note (ou cotation) permet aux entreprises de souscrire davantage de crédits. Elle permet de rassurer les investisseurs sur la capacité de l’entreprise à générer des bénéfices et à rembourser leurs dettes sur une période de 1 à 3 ans.

En résumé, la Banque Centrale européenne prête de l’argent aux banques qui elles prêtent en retour aux entreprises. Mais pour prêter aux banques privées en première instance, la BCE demande des garanties aux banques privées. Ces garanties se trouvent dans la bonne santé des entreprises auxquelles ces banques privées ont octroyé un prêt. La BCE n’acceptera ces garanties que si les entreprises justifient d’une note jugée suffisante sur leur barème d’évaluation.

Ce système de note attribuée par des analystes de la BDF permet aussi de rassurer les banques dans la mesure où cette institution publique opère une double vigilance, importante quand des milliers de jobs peuvent être remis en question à cause d’une mauvaise gestion ou d’un retournement conjoncturel.

La Banque de France bénéficie du statut d’Organisme Externe d’Évaluation du Crédit (comme les agences Moody’s, S&P, DBRS ou Fitch) et du statut « In-house Credit Assessment System » pour les opérations de politique monétaire.

Or, depuis quelques années, les grandes institutions mondiales comme le FMI ont conscience des risques climatiques et tous ces acteurs de la finance cherchent à participer aux efforts internationaux.

 

1. La prise de conscience a poussé la BDF à mettre en place des outils d’incitation à la RSE

Pour le moment, la Banque de France promeut principalement la finance verte et souhaite développer les critères RSE dans ces cotations. En finance, on parle d’ailleurs plus souvent des critères ESG puisque dans ce domaine opaque pour le grand public, l’une des mesures phares est la notion de Gouvernance qui fait référence à la capacité d’analyser et de justifier ses décisions stratégiques et financières de façon transparente et concertée.

Mais pour la BDF, prendre en compte ces 3 aspects : économique, social et gouvernance n’est pas facile, surtout s’il faut relier ces critères à des probabilités de défaut de paiement à court terme.

En effet, la plupart des indicateurs déterminant une approche durable repose sur des facteurs humains, des indices de perception, des estimations au cas par cas. Pourtant la BDF souhaite être proactive dans le domaine.

 

2. Les entreprises ayant une démarche RSE bénéficieront de meilleures conditions de financement

Pour le moment, pour établir une cotation, une institution comme la BDF reçoit les bilans, les comptes de résultats, etc. Ces documents lui permettront d’analyser et de mesurer les critères de performance financière de chaque entreprise.

Mais comme l’humain reste au cœur de notre société, une couche « qualitative » a été ajoutée à ces calculs. En effet, un analyste va voir le dirigeant d’une entreprise en moyenne une fois tous les 5 ans et au cours de ces entretiens, va poser des questions pour mieux comprendre l’ADN de l’entreprise. Or, ces dernières années, de plus en plus de questions sur la RSE émergent dans les interrogations de ces analystes dépêchés sur le terrain (même si l’audit RSE reste très superficiel).

C’est dans cette couche qualitative que les critères RSE sont pour le moment intégrés. Ce qualitatif est loin d’être prédominant dans l’évaluation. Plus de questions sur le volet environnemental pourront être posées si l’entreprise opère dans un secteur sensible ou polluant.

Le volet social ou de gouvernance est aussi estimé mais de nouveau, cela dépend des activités de l’entreprise.

Par ailleurs, ces questions sur l’environnement ou le social semblent participer davantage à estimer la gestion des risques plutôt que la contribution sociétale positive, mais la balle est lancée et elle est en mouvement.

De façon réaliste la partie qualitative RSE pèse pour le moment peu dans la cotation, mais il existe une volonté de la part des acteurs de la BDF de prendre davantage en compte ces éléments.

Si une entreprise a un mauvais bilan RSE, à ce jour sa cotation ne sera que très peu impactée. Pourtant, les analystes de la BDF sont de plus en plus sensibilisés à ces sujets et en mesure de comparer les bonnes pratiques entre deux entreprises du même secteur.

Autre atout qui pourrait donner plus de poids à l’angle RSE dans la cotation : depuis janvier 2022 la BDF est passée de 12 paliers à 21 paliers de notation permettant une granularité plus fine du profil de risque des entreprises.

Autre raison pour laquelle cet angle de la RSE n’est pas évident pour la BDF est que sa principale mission est de juger si une entreprise va faire défaut à court terme : comme ne pas rembourser sa banque, se retrouver devant le tribunal de commerce, etc. Or, cette évaluation réalisée pour le risque encouru l’année suivante n’est pas évidente avec les fondements de la RSE qui par définition s’inscrivent dans une vision de moyen à long terme.

L’autre problème est le côté culturel : les mauvaises pratiques sociales ou environnementales ayant des conséquences directes sur nos vies ne font pas encore partie des critères considérés comme « faisant défaut » dans le terme financier et juridique dans nos sociétés économiques.

L’estimation de l’impact sociétal des entreprises selon la méthodologie de la BDF ne prend pas en considération les labels, les certifications, les notations et les rapports extra-financiers. Ces derniers ne sont utilisés que très marginalement par les analystes de la BDF, essentiellement pour les grands groupes.

Mais la BDF évolue avec son temps et participe activement aux discussions pour démocratiser les principes du développement durable. Elle souhaite pousser les dirigeants à prendre ce virage rapidement. Toutefois, il s’agit de le faire sans brusquer.

Depuis 2015, et en préalable à la prochaine étape d’intégration de la RSE dans leur cotation, ils font passer des questionnaires RSE à un échantillon d’entreprises : ce questionnaire doit leur permettre de définir une méthodologie scientifique pour faire passer la RSE de notions « qualitatives » à critères quantitatifs facilement intégrables par la suite dans leur cotation financière actuelle.

L’une des questions auxquelles la BDF espère notamment répondre est : peut-on opérer un parallèle entre performance RSE et probabilité de défaut de paiement ? Cette approche par questionnaire a aussi pour but de sensibiliser les dirigeants à la RSE, sujet toujours sensible à ce jour pour les patrons d’une certaine époque.

 

3. La banque de France montre l’exemple en matière de RSE


Comme d’autres banques centrales et un nombre croissant d’entreprises, la BDF a mis en place une stratégie RSE. Elle a formalisé sa stratégie dès 2016 et en a renforcé les enjeux pour la période 2021-2024 avec pour mots d’ordre « action » et « exemplarité ».
La BDF s’engage à agir sur chaque pilier (environnemental, social et de gouvernance) avec des objectifs concrets et des indicateurs de suivi. Une partie importante de sa stratégie vise à poursuivre ses actions RSE dans ses investissements opérationnels et financiers et de prendre en compte le concept d’achats responsables.

Ainsi, sur le volet environnemental, la poursuite de la réduction de l’empreinte carbone reste prioritaire et s’accompagne d’une réflexion en cours sur la neutralité carbone. La BDF renouvelle et renforce ses engagements en matière sociale en favorisant la diversité et l’inclusion des personnes en situation de handicap mais aussi en initiant, de manière collaborative notamment, de nouvelles façons de travailler plus favorables au bien-être.

Enfin, grâce à leur pouvoir d’influence, ils veulent sensibiliser plus d’entreprises à adopter des stratégies RSE, ce que l’on retrouve à travers des critères renforcés dans la sélection des investissements financiers sur lesquels ils ont la maîtrise, l’intégration de critères extra-financiers dans leurs investissements opérationnels ainsi que leur politique d’achats responsables.

 

4. La Banque de France et le volet environnemental

En incluant des principes RSE dans sa note globale, la banque de France s’est inscrite dans une démarche initiée en 2011 par la Commission Européenne. Depuis Avril 2022, la Banque de France a rejoint le Carbon Disclosure Project (CDP) et demande aux entreprises de publier leurs données environnementales. La banque centrale rejoint les 680 autres «institutions financières mondiales» pesant 130.000 milliards de dollars d’actifs à inclure ce critère et s’enorgueillit d’être «la première banque centrale dans le monde» à s’associer au CDP.

Parmi les autres signataires figurent : la Banque européenne d’investissement (BEI), l’assureur Axa, les banques Crédit Agricole et HSBC ou encore le géant de la gestion d’actifs Blackrock. La Banque de France souligne qu’elle aura dorénavant accès à la base de données environnementales des entreprises «la plus importante au monde, et elle l’utilisera pour orienter ses activités d’investisseur ESG».

Fin décembre 2021, le Carbon Disclosure Project avait révélé que seules 272 entreprises sur 12 000 avaient reçu un «A» pour leurs actions sur un ou plusieurs enjeux climatiques. Parmi celles-ci, seulement 14 avaient reçu un A dans les trois catégories climat, forêts et eau. Malgré l’évolution rapide de la réglementation européenne face aux enjeux actuels, il reste de gros efforts à faire.

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Commentaires

Article très intéressant. J'ai beaucoup appris.

Article très bien documenté