On en entend de plus en plus parler en France alors même que la plupart ignorent sa signification. RSE signifie Responsabilité Sociétale des Entreprise, une traduction littérale de la notion de CSR en anglais : Corporate Social Responsibilty. Cet acronyme résume les bonnes pratiques des entreprises envers l’environnement et la société.
1. L’origine de la RSE et du principe de responsabilité des entreprises
Vous pouvez vous demander pourquoi le milieu des affaires développe à vitesse grand V cette notion encore floue en France. L’idée d’introduire de bonnes pratiques et donc des valeurs morales comme partie intégrante d’une firme émerge aux Etats-Unis lors de la colonisation. Le manque de cadre réglementaire et les abus qui en découlent poussent les patrons à respecter un minimum de valeurs chrétiennes, qu’il s’agisse de la terre ou de leurs travailleurs.
Pourtant, ce n’est qu’en 1953, qu’Howard Bowen théorise cette notion dans La responsabilité sociale du businessman.
L’intérêt de la RSE comme stratégie de développement vient avec le modèle économique pyramidal de Carroll à la fin des années 70. Il estime que pour être florissante, une entreprise doit endosser 4 responsabilités dans l'ordre d'importance suivant :
- la responsabilité économique : l’entreprise doit être viable et faire des affaires
- la responsabilité légale : elle doit respecter le droit en vigueur dans le pays
- la responsabilité éthique : elle doit respecter les autres et l’environnement, la notion de justice et d'équité
- la responsabilité philanthropique ; si l’entreprise est fructueuse, elle doit redistribuer une partie de ses profits avec d’autres moins chanceux.
Le respect de ces 4 principes a permis aux entreprises américaines de voir rapidement voir des effets positifs sur leurs activités.
Les répercussions de la responsabilité économique sont les plus évidentes : si je paie et traite mieux l’employé, il produira davantage, il sera fidèle à l’entreprise et aura davantage les moyens financiers de consommer.
La responsabilité légale et éthique répond à un constat alarmant dans les années 50. Avec l’industrialisation à grande échelle et l’apparition de la société de consommation, les ressources aux alentours s’appauvrissent. La mauvaise gestion de l’environnement provoque la gronde des communautés qui vivent autour des usines de production. Sites pollués, sales, dénaturés ; la motivation des habitants qui travaillent sur place s’érode. Sans cadre réglementaire et sujet à des changements rapides, les dirigeants utilisent les principes éthiques et de bon sens pour développer leurs activités : sans une gestion durable des ressources (humaines ou environnementales), elles s’appauvrissent risquant l’arrêt de la production.
L'incorporation de la notion de philanthropie donne naissance au marketing et à la valorisation de l’image. L’employé sera davantage productif s’il apprécie les valeurs d’une entreprise qui redistribue et s’investit auprès des communautés locales. Le client aime se dire qu’en achetant auprès de cette entreprise, il endosse à son tour l’habit de mécène et accomplit son devoir social. En projetant ses valeurs sur l’entreprise, le client et l’employé deviennent loyaux et accorde une confiance aveugle.
2. Quelques exemples de RSE bonne pour les affaires
Aujourd’hui, la RSE est entièrement intégrée à la stratégie de développement des grandes entreprises. C’est notamment le cas d’Ikea. Avec des besoins colossaux en bois pour approvisionner ses 411 magasins à travers le monde (chiffre 2018), Ikea s’impose comme le plus gros acheteur de bois et représente à lui seul plus de 1% de la consommation mondiale.
Devant la menace d’écosystèmes dévastés par une déforestation massive des forêts pourtant indispensables, IKEA réagit. Au début des années 2000, l’entreprise a en effet décidé de se fournir uniquement auprès des pépiniéristes FSC d'ici 2020. Le label Forest Stewardship Council (FSC) garantit en effet la provenance des arbres et le respect des critères sociaux et environnementaux. Les communautés, populations et travailleurs concernés tout comme la préservation des arbres, plantes et espèces animales ne doivent plus essuyer les conséquences d’une exploitation abusive. En 2023, Ikea publiait que 97,8% de son bois était d'origine FSC avec 17% de bois recyclé.
Pour Ikea, cela signifiait avant tout préserver son image au moment où les images de coupes dans les forêts primaires étaient révélées au grand public à la télévision. Mais surtout, cette stratégie permettait au géant d’assurer une production continue et une logistique précise des essences dans le temps. L'initiative du producteur suédois a contraint de nombreux pépiniéristes à précipiter leur mise en conformité avec le label FSC pour pouvoir prétendre fournir le géant du meuble en kit.
La stratégie d'Ikea est désormais de miser sur les atouts économiques de l'économie circulaire. En récupérant le mobilier usagé ou cassé de leurs clients, ils les reconditionnent pour les vendre à moindre frais.
Autre colosse de l’économie avec 11 718 points de vente dans 27 pays, Walmart et ses filières. En 2005, le numéro 1 sur la liste des 500 plus grosses entreprises a entrepris un programme de recyclage et d’énergie verte bien en amont de la tendance. Moins de 8 ans après, la pose de panneaux solaires sur plusieurs de ses points de vente dans les régions chaudes de l'Amérique centrale et latine, a contribué au confort des salariés et des clients en n'étant plus tributaires des des coupures de courant locales mais avant tout leur avait permis d’économiser 231 millions de dollars sur leur facture énergétique chaque année. En 2024, Walmart a été renforcé dans cette stratégie puisqu'ils font l'acquisition de 600 fermes de panneaux solaires dans 10 pays. En plus d'économiser des centaines de millions de dollars par an à une époque où les ressources coûtent cher, Walmart s'assure de revenus de sa vente d'énergie si la consommation des biens traditionnels baisse.
3. La RSE au coeur du business modèle
Le succès de la RSE comme modèle économique se fait de plus en plus ressentir à une époque où le consommateur devient citoyen engagé. C’est la cas de la marque TOM’s qui base son offre sur « une paire de chaussure achetée, une paire de chaussure offerte à un enfant dans le besoin ». Porter des chaussures Tom’s cristallise les valeurs des consommateurs : je soutiens les enfants dans des pays en difficulté. Tandis que l’entreprise a couru vers le succès marketing, elle gagne également en logistique et fiscalité dans la mesure où les dons permettent des réductions d’impôts et que cette solution facilite la gestion des invendus. Des raisons qui aident à franchir le pas d’un business modèle innovant et vertueux.
Toujours dans cette dynamique de mettre en place de nouvelles stratégies win-win (gagnant-gagnant), on souligne l’initiative de Dan Price, patron de Gravity Payments. Face au mécontentement de l’un de ses développeurs qui n’hésite pas à lui faire remarquer un salaire ridiculement bas au regard des heures passées derrière son ordinateur et de ses qualifications, Price s’interroge. Après plusieurs recherches, il décide en 2015 de passer progressivement tous ses 120 employés à 70,000USD par an (contre 48,000 en moyenne auparavant), salaire à partir duquel l’individu se sent confortable financièrement selon les dernières études. Pour financer sa vision, il baisse également ses revenus qui, de 1 million s'alignent à celui de ses salariés. Son initiative porte immédiatement ses fruits. Les employés redoublent d’effort et l’année suivante, le chiffre d’affaires et les profits doublent.
En 2015, les hommes d’affaires américains crient au scandale et dénoncent un à effet court terme de la performance économique. Ils parient sur un échec. En 2023, Gravity Payments annonce que le Covid les a mis dans la difficulté mais qu'ils ont triplé leur chiffre d'affaires depuis et doublé le nombre de clients. Dan Price a néanmoins fait l'objet de polémiques et de difficultés de gestion en lançant une stratégie aussi radicale. Son exemple prouve qu'il aurait pu bénéficier d'une consultation des parties prenantes avant de court-circuiter le système et même si l'intention était bonne.
Avec autant de bénéfices, on comprend davantage pourquoi la RSE est chaque jour davantage valorisée dans les entreprises. En temps de crise, il est donc bon de se rappeler un vieil adage si vite oublié : You have to spend money to make money, il faut investir pour gagner de l’argent. Investir dans des nouvelles valeurs, dans de nouveaux moyens de production finalement résoudre à la fois la crise économique et les conséquences de notre économie sur l'environnement.
Le saviez-vous ? La notion de RSE est l'idée de mettre en place des dispositifs vertueux sans y être contraint ; d'aller au-delà de ses obligations réglementaires. L'idée étant de travailler pour sa réputation et de se démarquer par une approche disruptive bénéfique pour la société au sens large. Si la RSE se met en place aux Etats-Unis progressivement depuis des siècles, on compte de nombreux pays qui se sont lancés depuis. CSR Hub classe chaque année les pays qui comptent le plus d'entreprises engagées selon des critères précis.
Le saviez-vous ? Nestlé est l'une des sociétés bénéficiant du plus grand nombre de certifications RSE : FTSE4Good Index, Access to Nutrition Index (ATNI), ISO 9001, ISO 22000, ISO 14001, ISO 18001, label B Corp, etc. Pourtant, c'est aussi la marque qui a subit les plus grandes polémiques humaines et environnementales ces dernières décennies : scandale du lait en poudre, privatisation de sources publiques en Afrique, Lait empoissonné en 2008, eaux contaminées en 2024, pratiques illégales. Sans compter sur les dégats environnementaux que les associations lui attribuent : capsules, bouteilles en plastique, emballages, déstructions de sites naturels, etc.
Le saviez-vous ? La norme ISO 26000 qui définit les principes de la RSE depuis 2010 a été votée en 2010 par 99 pays. Contrairement à la tendance décrite précédemment, les seuls pays qui ont refusé ce texte sont Cuba, l’Inde, la Turquie, le Luxembourg et... les Etats-Unis !
Ce texte reprend 7 notions centrales pour que l’entreprise puisse prétendre à obtenir la norme 26000 :
- la gouvernance de l'organisation ;
- les droits de l'Homme ;
- les relations et conditions de travail ;
- l'environnement ;
- la loyauté des pratiques ;
- les questions relatives aux consommateurs ;
- les communautés et le développement local.
17 octobre 2022 , 12:44
Article très intéressant