Labels RSE, faut-il se faire labelliser ?

Rate A Company - l'analyse des garanties d'un label RSE

Cet article s'est basé sur deux rapports récents remis au Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance en France qui fait état de la situation des labels et des certifications à une époque où le consommateur cherche de la transparence sur ce qu’il achète. Vous pourrez également retrouver ce sujet sur notre chaine Youtube !

 

 Pour la suite, laissez nous vous présenter le rapport « Labels RSE : accompagner les entreprises et donner confiance à leurs parties prenantes » que nous appellerons RAPPORT A.

Il a été remis 30 novembre 2020 à Bruno Lemaire, Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance pour faire suite à la loi Pacte qui veut inciter les entreprises, même petites, à considérer a RSE dans leurs activités. 

Face à des dirigeants qui trainent les pieds, le gouvernement français cherche à évaluer la pertinence des labels qui valorisent des produits, structures ou stratégies qui montrent l’exemple.

 

Dans ce rapport A, on apprend que 90% des PME ont des démarches RSE, soit des dizaines de milliers d’entreprises mais que seules quelques centaines de PME se font labelliser. Il est écrit « beaucoup d’entreprises font de la RSE sans le savoir. Si les bénéfices restent les mêmes pour leurs salariés et leurs sociétés, le problème est qu’elles ne valorisent pas assez leurs efforts et ne peuvent pas en bénéficier pour leur développement ».

Ce à quoi le rapport fait référence, c’est ce que de plus en plus de consommateurs réalisent derrière un achat : un vêtement à bas prix est souvent synonyme d’ouvrières parfois très jeunes au Bangladesh courbées 12 heures par jour sur leurs machines. Tout cela pour que le tissu se mette à boulocher au deuxième lavage et finisse à la poubelle  quelques semaines plus tard. 

Est-ce que le plaisir de porter ce vêtement vaut l’impact que ce vêtement a sur notre planète ? Les nouvelles générations qui ont accès aux vidéos sur Youtube, Tik Tok et autres réseaux sociaux semblent dire stop.

Le rapport a conscience des enjeux économiques et du risque de greenwashing ou socialwashing : ce principe qui consiste pour une entreprise à dépenser de gros budgets marketing pour persuader qu’on est une entreprise engagée, alors qu’on aurait pu mettre ces sous dans une initiative réellement impactante.

 

Voir notre sujet sur le marketing et la RSE

 

Les labels, censés apporter un minimum de garantie par rapport à ce phénomène de greenwashing, ne semblent pas aujourd’hui convaincre. Le rapport écrit « Face à cet engouement pour la RSE, le peu de succès des labels pose question ».

Le problème de la RSE est qu’il existe autant de solutions qu’il existe d’entreprises.

Prévoir les mêmes objectifs scientifiques mesurables sur des critères sociaux, environnementaux et économiques pour toutes les entreprises reste une illusion. Une personne qui travaille au cœur de Paris n’aura pas les mêmes attentes en matière de bien-être au travail qu’une personne travaillant dans une scierie en Ardèche.

De la même façon, l’évaluateur de l’agence remettant le label RSE va sans doute dire à un patron « pour anticiper les demandes en matière règlementaire, investissez dans une logistique qui générera moins de retours commande, donc moins de CO2 ». Pourtant, ce patron va se poser la question à deux fois : ses salariés ne sont plus vraiment productifs parce qu’ils remettent en question la quantité de travail et questionnent tout changement qui perturberait encore leurs habitudes. Pour ce dirigeant, ce nouvel investissement va peut-être finir de sonner le glas de son appréciation par ses collaborateurs : comment la direction déciderait-elle d’investir dans des machines plutôt que dans l’humain ?

Dans la notion de labellisation RSE, il y a donc l’idée de faire confiance à quelqu’un de l’extérieur pour évaluer l’état et améliorer l’entreprise. Mais pour un patron de PME qui a monté l’entreprise, difficile de se résoudre à payer pour passer par cette étape, aussi importante soit elle.

Le rapport A constate le manque de méthodologie et la prolifération de labels RSE plus ou moins sincères et qualitatifs et pose la question « A quelles conditions les labels RSE constituent-ils des vecteurs de mobilisation en faveur de la RSE pour l’entreprise et ses parties prenantes ? ».

Ce fameux rapport A rappelle qu’en matière de RSE, il s’agit pour une entreprise d’aller AU-DELA de ses obligations réglementaires et de la prospérité individuelle. L’obtention d’un label RSE dépend donc des efforts qu’il a dû consentir pour être en conformité avec la réglementation. 

Comme nous l’avons vu dans notre article sur la réglementation, celle-ci dépend aussi de la taille de l’entreprise : les entreprises de plus de 100 millions d’euros de chiffres d’affaires ou à 500 salariés doivent publier un rapport extra financier qui les contraint à un minimum de transparence. Les entreprises de plus de 5000 salariés en France et 10 000 salariés dans le monde doivent, elles, mettre en place une méthodologie qui leur permet de surveiller que les pratiques de leurs fournisseurs et sous-traitants sont bien en conformité avec la réglementation locale et les droits de l’homme.

Le rapport parlementaire rappelle que la loi Pacte de 2019 a changé réglementairement la définition « d’intérêt social » d’une entreprise en disant qu’il ne s’agissait pas là de satisfaire aux attentes des actionnaires seulement mais bien à l’ensemble des parties prenantes.

Ce rapport liste également tous les labels que l’Etat français a lancé ces dernières années pour encourager des comportements plus éthiques : les fameux labels financiers Greenfin, ISR, le label d’achat responsable RFAR, le label diversité hommes/femmes… Ce serait donc difficile pour les rapporteurs de dénigrer complètement l’utilité des labels.

En revanche, il se doit quand même de faire état de la situation : « L’offre multiple manque de lisibilité »

Or, si les Université et Grandes Écoles qui désormais intègrent ces notions aux cursus en commerce, marketing, ingénierie et autres, soyons honnête : 60% des dirigeants ont déjà entendu le terme mais moins de 2% admettent qu’ils avaient une idée précise de ce que cela représentait suite à la formation.* 

 

Le rapport A fait état d’un problème qui sera ensuite repris par le rapport B intitulé “Le label public, enjeux, définition et Méthodologie”.  « L’absence d’encadrement des labels a permis le développement d’une offre importante ». C’est le moins que l’on puisse dire. Aujourd’hui en France, il en existerait à peu près 400.  400 labels qui certifient sur des critères différents, qui ont chacun leur cahier des charges, leur méthodologie plus ou moins sérieuse.

En matière de RSE, au sens du fonctionnement de l’entreprise, il en existerait une quarantaine. En France. Alors qu’en est-il au niveau européen ?

 

Mais pourquoi autant de Labels ? 

Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur le rapport B

La référence ISO 26,000 internationale en la matière s’est révélée ne pas pouvoir délivrer une certification : on l’a vu plus tôt, il existe autant d’approche RSE que d’entreprises opérant dans un environnement, impossible donc d’imposer des règles communes pour toutes comme on peut le faire avec des objets industriels : pour avoir la certification / norme anti-feu, il vous faut l’emploi de tel matériau, sur telle épaisseur, etc. 

Dans le cadre de l’ISO 26000, il s’agit plutôt de recommandations avec une approche en constante évolution et tributaire des innovations et des attentes sociétales : les experts qui délivrent le label ISO 26 000 disent “il est recommandé de faire ceci en fonction de nos observations ».

Au sens stricto sensu, il n’existe aucune CERTIFICATION RSE à l’international. D’où la floraison de labels qui sont eux soumis à bien moins de contraintes et sont bien plus difficiles à percer à jour.

En effet, le rapport B déclare que pendant longtemps les labels, y compris les labels de l’Etat et des collectivités publiques, n’étaient que de simples marques déposées à l’INPI. Il n’y avait même pas besoin de joindre un cahier des charges qui définissait le périmètre et la méthodologie du label.  

Il y a 70 ans, les labels ne représentaient pas autant d'intérêts économiques et les labellisés le faisaient davantage par conviction que par appât du gain. Pas besoin de garde-fous. Une entreprise ou une autorité pouvait déposer un nom et commencer à vendre le label auprès de patrons sensibilisés aux mêmes principes. 

Pourtant, avec l’apparition du label Bio dans les années 60 des répercussions positives en matière de vente se font rapidement sentir. Le label AOC, Appellation d’Origine Contrôlée est un énorme succès commercial et attire toutes sortes de profils désireux d’exploiter cette brèche économique. 

L’engrenage des labels dans un but commercial est en marche. Progressivement, la remise d’un label sans vrai cahier des charges arrange aussi un patron peu scrupuleux qui trouvera moins contraignant de signer un chèque plutôt que de revoir entièrement sa façon de travailler.

Sans aller jusqu’à la mauvaise foi, la prolifération des labels est aussi venue du fait que certains industriels voulaient obtenir une récompense, un label, sur l’angle qui leur tenait à cœur, la chose en particulier qu’ils faisaient de bien.

Ces labels « arrangeants » et la prolifération des labels comme marques lancées par les collectivités locales comme Grand site de France, Région de Bretagne etc. ont contribué à la confusion et donc au désintérêt progressif des citoyens et des professionnels.

Résultat : la plupart des dirigeants préfèrent garder leur argent et leur temps plutôt que de faire mal et de rattacher l’image de leur entreprise à un label qui pourrait être potentiellement taxé de Greenwashing ou de Socialwashing. C’est le principe de précaution dans la gestion de base de sa réputation.

Le rapport A souligne un autre frein important dans cette approche par les labels « l’absence de publication ou la difficulté d’accès en ligne aux critères ou questionnaires d’évaluation ».

Enfin, dans un monde interconnecté où les affaires franchissent les frontières, le rapport pose la question de la valeur d’un label RSE à l’international. Question d’autant plus raisonnable si ces étrangers n’ont pas accès à la méthodologie ni aux critères d’évaluation..

Le rapport A souligne aussi le manque d’incitation de la part des dispositifs publics pour récompenser, inciter les entreprises à passer le cap. Car le label, s’il est correctement appréhendé, reste bien le meilleur moyen de juger de la démarche qualitative d’une organisation. Pour encourager les entreprises à passer le cap de la labellisation RSE, de plus en plus de services publics ajoutent des critères durables dans leurs appels d'offres. 

 

Pour savoir si votre structure doit passer le cap de la labellisation ; il faut donc s’assurer

  • Que le label offre des garanties : cela écarte les labels qui reposent sur l’auto-évaluation puisqu’il faut que les critères soient jugés par une ou plusieurs personnes qui ne sont pas directement impactées par la performance économique de l’entreprise : il faut donc un tiers de confiance indépendant des parties prenantes et des groupes d’intérêt.
  • Il faut que la méthodologie utilisée soit transparente : qui audite, pendant combien de temps, où, auprès de quelles personnes. Si l’auditeur ne parle qu’à deux salariés de l’entreprise sur 90, quelle est la valeur de cet audit ?
  • Il faut que les critères soient transparents et/ou les résultats soient rendus publics : qu’est ce qui a été noté, quelle formule a été utilisée ?
  • Il faut que les critères soient pertinents : si le critère juge la «maltraitance sur le lieu de travail », cela n’aura pas la même valeur que « votre management favorise le bien-être au travail », d’abord parce que le premier critère tient de la réglementation (respect des droits de l’homme, punissable en cas de non-respect) alors que le second évalue un critère de RSE
  • Il faut que les critères d’évaluation soient bien compris et clairs pour tous : certains labels et notamment en matière de finance responsable, ont des formulations tellement alambiquées que si le critère est rendu public, il ne sera pas compris ou mal interprété par l’épargnant concerné.
  • Il faut que les critères soient cohérents avec des « standards reconnus à l’international en attendant le développement d’un référentiel européen ». L’avantage de l’ISO et de ses 7 thématiques est qu’il est compatible avec les 17 ODD, les Objectifs de Développement Durable de l’ONU
  • Le rapport A souligne qu’il faut que l’entreprise communique ouvertement sur sa labellisation, notamment auprès de ses parties prenantes et qu’elle les inclut dans cette démarche. « La labellisation de l’entreprise dans son ensemble est forcément une démarche approuvée par la direction de l’entreprise, contrairement à des initiatives internes qui peuvent se développer à des niveaux intermédiaires ».
  • Dans le rapport B, on note également la volonté pour le label de pousser à l’amélioration continue pour toujours répondre aux attentes sociétales : il faut donc que la direction soit intimement convaincue de l’intérêt sociétal de la démarche et voie cette approche comme un élément à prendre en compte dans sa stratégie de développement

Pour les citoyens et les professionnels qui souhaiteraient que l’Etat soit plus proactif dans la mise au point d’un label unique, reconnu de tous ou d’un cadre qui permette de contrôler la méthodologie et les critères, le rapport ne le recommande pas.

« Un encadrement législatif des labels n’est pas non plus souhaitable à court terme, en particulier du fait du manque d’harmonisation des indicateurs de performance extra-financière »

 

* Sondage Rate A Company auprès des dirigeants de la formation sur la RSE

 

Télechargez le rapport A

Téléchargez le rapport B

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