(article rédigé en mars 2019)
L’origine des principes de responsabilité de l’entreprise
Vous pouvez vous demander pourquoi le milieu des affaires développe à vitesse grand V cette notion encore floue en France. L’idée d’introduire de bonnes pratiques et donc des valeurs morales comme partie intégrante d’une firme émerge aux Etats-Unis lors de la colonisation. Le manque de cadre règlementaire, de juges, de police et les abus qui découlent de la colonisation d'un nouveau monde poussent les patrons à s'entendre sur un minimum de valeurs chrétiennes, qu’il s’agisse de la terre ou de leurs travailleurs, pour ne pas que tout le monde court à sa perte.
Pourtant, ce n’est qu’en 1953, qu’Howard Bowen théorise cette notion dans La responsabilité sociale du businessman.
L’intérêt de la RSE comme stratégie de développement vient avec le modèle économique pyramidal de Carroll à la fin des années 70. Il estime que pour être florissante, une entreprise doit endosser 4 responsabilités :
- la responsabilité économique : l’entreprise doit être viable et faire des affaires
- la responsabilité légale : elle doit respecter le droit en vigueur dans le pays
- la responsabilité éthique : elle doit respecter les autres et l’environnement
- la responsabilité philanthropique ; si l’entreprise est fructueuse, elle doit redistribuer une partie de ses profits avec d’autres moins chanceux.
Le respect de ces quatre principes a permis aux entreprises américaines de voir rapidement voir des effets positifs sur leurs activités.
- Les répercussions de la responsabilité économiques sont les plus évidentes : si je paie et traite mieux l’employé, il produira davantage, il sera fidèle à l’entreprise et aura davantage les moyens financiers de consommer.
- La responsabilité légale et éthique répond à un constat alarmant dans les années 50. Avec l’industrialisation à grande échelle et l’apparition de la société de consommation, les ressources aux alentours s’appauvrissent. La mauvaise gestion de l’environnement provoque la gronde des communautés qui vivent autour des usines de production. Sites pollués, sales, dénaturés ; la motivation des habitants qui travaillent sur place s’érode. Sans compter que sans une gestion durable des ressources, elles s’appauvrissent risquant la pénurie des matières premières et par conséquent l’arrêt de la production.
- L'incorporation de la notion de philanthropie donne naissance au marketing et à la valorisation de l’image. L’employé sera davantage productif s’il apprécie les valeurs d’une entreprise qui redistribue et s’investit auprès des communautés locales. Le client aime se dire qu’en achetant auprès de cette entreprise, il endosse à son tour l’habit de mécène et accompli son devoir social. En projetant ses valeurs sur l’entreprise, le client et l’employé deviennent loyaux et accorde une confiance aveugle.
Quand la RSE devient crucial pour la bonne santé de l’entreprise
Aujourd’hui, la RSE est entièrement intégrée à la stratégie de développement des grandes entreprises. C’est notamment le cas d’Ikea. Avec des besoins colossaux en bois pour approvisionner leurs 411 magasins à travers le monde (chiffre 2018), Ikea s’impose comme le plus gros acheteur de bois et représente à lui seul plus de 1% de la consommation mondiale.
Devant la menace d’écosystèmes dévastés par une déforestation massive des forets pourtant indispensables, IKEA réagit. L’entreprise a en effet décidé de se fournir uniquement auprès des pépiniéristes FSC d’ici 2020. Le label Forest Stewardship Council (FSC) garantit en effet la provenance des arbres et le respect des critères sociaux et environnementaux. Les communautés, populations et travailleurs concernés tout comme la préservation des arbres, plantes et espèces animales ne doivent plus essuyer les conséquences d’une exploitation abusive.
Pour Ikea, cela signifie avant tout préserver son image à l’heure du réchauffement climatique et surtout, s’assurer une production continue des bois de même essence pour tous ses points de vente. Une telle démarche de la part du producteur suédois contraint de nombreux pépiniéristes à précipiter leur mise ne conformité avec le label FSC pour pouvoir prétendre fournir le géant du meuble en kit.
Autre colosse de l’économie avec 11 718 points de vente dans 27 pays, Walmart et ses filières. En 2013, le numéro 1 sur la liste des 500 plus grosses entreprises a entrepris un programme de recyclage et d’énergie verte. La pose de panneaux solaires sur plusieurs de ses points de vente, contribue à la dépollution, prévient des coupures de courant mais avant tout fait leur permet d’économiser 231 millions de dollars sur leur facture énergétique chaque année.
La RSE comme moteur d’une nouvelle économie
Le succès de la RSE comme modèle économique se fait de plus en plus ressentir à une époque où le consommateur devient citoyen engagé. C’est la cas de la marque TOM’s qui base son offre sur « une paire de chaussure achetée, une paire de chaussure offerte à un enfant dans le besoin ». Porter des chaussures Tom’s cristallise les valeurs des consommateurs : je soutiens les enfants dans des pays en difficulté. Tandis que l’entreprise a couru vers le succès marketing, elle gagne également en logistique et fiscalité dans la mesure où les dons permettent des réductions d’impôts et que cette solution facilite la gestion des invendus. Des raisons qui aident à franchir le pas d’un business modèle innovant et vertueux.
Toujours dans cette dynamique de mettre en place de nouvelles stratégies win-win (gagnant-gagnant), on souligne l’initiative de Dan Price, patron de Gravity Payments. Face au mécontentement de l’un de ses développeurs qui n’hésite pas à lui faire remarquer un salaire ridiculement bas au regard des heures passées derrière son ordinateur et de ses qualifications, Price s’interroge. Après plusieurs recherches, il décide en 2015 de passer progressivement tous ses 120 employés à 70,000USD par an (contre 48,000 en moyenne auparavant), salaire à partir duquel l’individu se sent confortable financièrement selon les dernières études. Pour financer sa vision, il baisse également ses revenus qui, de 1 million passent également à 70,000USD par an et met en gage ses biens. Son initiative porte immédiatement ses fruits. Les employés redoublent d’effort et l’année suivante, le chiffre d’affaire et les profits doublent.
Si les hommes d’affaires américains sont sceptiques quant à l’effet à moyen et long terme d’un tel management, ils attendent néanmoins les résultats d’ici quelques années pour savoir si cette stratégie lourde de conséquence paie.
Avec autant de bénéfices, on comprend davantage pourquoi la RSE est chaque jour davantage valorisée dans les entreprises. En temps de crise, il est donc bon de se rappeler un vieil adage si vite oublié : You have to spend money to make money, il faut investir pour gagner de l’argent. Investir dans des nouvelles valeurs, dans de nouveaux moyens de production pourrait-il finalement résoudre à la fois la crise économique et le réchauffement climatique ? C’est notamment le principe de l’économie circulaire, concept détaillé dans notre article L’environnement en quelques chiffres.
Le saviez-vous ? La notion de RSE se met en place aux Etats-Unis il y a plusieurs siècles, par conséquent, c’est sans surprise que le pays qui compte le plus de grandes entreprises référencées par le CSR Hub.
USA : 6979 entreprises
UK : 1185 entreprises
Japon : 966 entreprises
Chine : 880 entreprises
Canada : 665 entreprises
South Korea : 484 entreprises
France : 429 entreprises
Allemagne : 338 entreprises
Le saviez-vous ? Chaque année, le magazine Forbes a publié la liste des entreprises avec la meilleure réputation RSE dans le monde. De nouveaux, les Etats-Unis comprennent la majorité de ces entreprises.
USA : Google, Microsoft, Disney, Intel, Cisco, Colgate-Palmolive
Germany : BMW, Bosch
UK : Roll Royce
Danemark : Lego qui arrive en tête de ce classement, avec 74.4 points.
Le saviez-vous ? La norme ISO 26000 qui définit les principes de la RSE depuis 2010 a été votée en 2010 par 99 pays. Contrairement à la tendance décrite précédemment, les seuls pays qui ont refusé ce texte sont Cuba, l’Inde, la Turquie, le Luxembourg et... les Etats-Unis !
Ce texte reprend 7 notions centrales pour que l’entreprise puisse prétendre à obtenir la norme 26000 :
- la gouvernance de l'organisation ;
- les droits de l'Homme ;
- les relations et conditions de travail ;
- l'environnement ;
- la loyauté des pratiques ;
- les questions relatives aux consommateurs ;
- les communautés et le développement local.